Travail dominical, autoroutes, transport par car… La loi Macron révolutionne les transports

20 août 2015 Législation, Transport 1 Comment Marie MEHAULT
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1Après 7 mois de débats parlementaires, 2.300 amendements votés et un corpus de quelques 300 articles, après plusieurs recours à l’article 49.3 et des débats houleux à l’Assemblée Nationale comme au Sénat, la loi Macron a donc finalement été adoptée définitivement cet été. Elle regroupe dans un texte un peu fourre-tout diverses mesures pour relancer la croissance en France, et parmi elles, un certain nombre qui concerne les transports.

 

2La mesure phare dans ce domaine, et nous vous en avons déjà parlé, c’est bien sûr la libéralisation du transport par autocar. Dans ce secteur, le ministre juge les règles trop rigides, il estime que cela pénalise l’activité des entreprises concernées ; il a donc prévu d’alléger tout cela et de déréglementer au maximum ce qui peut l’être, dans la droite ligne du grand projet de simplification administrative prôné par François Hollande depuis le début de son mandat. Désormais donc, une fois les arrêtés ministériels rédigés et publiés, le transporteur de voyageurs par autobus pourra être étendu aux distances de plus de 100 kilomètres. Libérées, les liaisons intercités en France, y compris sur les longues distances ; libérée, la concurrence sur les lignes nationales, autant qu’elle l’était jusqu’à présent sur les lignes internationales ; multipliées en conséquences, les destinations à petit prix pour des week-ends ou des vacances à la portée du plus grand nombre.

 

4Forcément, les transporteurs de voyageurs par car sont en ébullition, tous déjà prêts à proposer leurs services, avec des projets de nouvelles lignes dans les cartons et jusqu’à 22 000 offres d’emploi à proposer, selon les études des experts. Il faut dire que le marché promet d’être florissant et surtout, tout reste à faire : c’est un secteur qui « végétait » littéralement au regard de nos voisins européens, du fait d’une réglementation draconienne. Résultat : la demande pourrait bien exploser, l’offre s’étoffer à la mesure, et les chiffres de fréquentation battre des records, très vite. Imaginez : en France en 2014, moins de 110.000 personnes ont voyagé par autobus en France, alors qu’en Allemagne ils étaient 8 millions ! Autre conséquence économique positive pour le transport : si la demande est ainsi multipliée par 100 en quelques mois, il faudra revoir tout le système d’infrastructures pour l’améliorer à la hauteur du marché : rénover les gares routières, en créer de nouvelles un peu partout, relancer un vaste projet de modernisation des routes, des autoroutes et des équipements. Autant de chantiers qui bénéficieront de facto aux transporteurs routiers de marchandises, par la même occasion.
autoroutes 2Cette loi Macron, au-delà du transport par car, va changer d’autres petites choses pour les transports en France. Notamment, grâce à une série de mesures qui sont sensées venir en aide aux PME et aux TPE, nombreuses dans le secteur du transport. En proie à pas mal de difficultés économiques depuis plusieurs années à cause de la crise, les transporteurs français se maintiennent tant bien que mal, mais ils sont soumis à de très fortes variations d’activités selon les périodes, les événements, la conjoncture, le prix du carburant et bien d’autres paramètres encore. Or, la loi Macron prévoit un nouvel assouplissement des accords de maintien dans l’emploi en cas de difficulté économique temporaire, c’est-à-dire qu’un patron routier par exemple, pourra désormais  négocier avec ses salariés une augmentation du temps de travail sans contrepartie financière, contre le maintien de son emploi pendant 5 ans au lieu de 2 auparavant. Pas forcément bien vu par les syndicats, car le revers de la médaille, c’est que les salariés qui refusent l’application de cette mesure ne seront plus éligibles à des mesures de reclassement en cas de licenciement économique. En revanche, cette flexibilité accrue est importante pour les patrons d’entreprise de transport, qui pourront mieux s’adapter et mieux gérer la trésorerie en fonction d’une activité à la hausse ou à la baisse.

 

11Autre nouveauté : la loi Macron entérine la création d’une Autorité de Régulation des Activités Ferroviaires et Routières (Arafer), dont les compétences seront étendues au transport routier de personnes et au secteur autoroutier, avec, entre autre, une nouvelle régulation des des tarifs de péage. Ce type de régulation multimodale des transports par une seule et même autorité est une première en France, qui va nécessiter une vaste réorganisation de tous les services concernés, avec là encore de nombreux recrutements : d’ici fin 2016, plus de 80 nouveaux postes devraient être créés pour des juristes, des financiers et des économistes spécialistes du transport et de la logistique, notamment. Outre le nouveau marché du transport régulier par autocar, pour lequel elle devra surveiller l’application du respect des lois relatives à la concurrence, l’Arafer va mettre en place un grand observatoire des marchés du transport ferroviaire et routier.
autoroutes 1La grande interrogation concerne aussi le travail du dimanche : pour l’instant, la loi Macron prévoit uniquement l’ouverture des commerces le dimanche et jusqu’à minuit le soir, dans des zones qui seront classées « zones touristiques internationales », à Paris mais aussi dans d’autres régions que l’Ile de France, notamment autour de toutes les grandes gares et aéroports. Mais certains, tant du côté des syndicats de plusieurs enseignes commerciales que du côté des experts et analystes, pensent que ce n’est qu’un premier pas vers un élargissement du travail dominical à tous les secteurs, à terme. Ce qui changerait là encore radicalement la donne pour les entreprises de transport routier : pour l’instant, ils doivent respecter l’interdiction de rouler le dimanche, le weekend étant par principe réservé aux touristes. Seules quelques entreprises de transport bénéficient de dérogations, notamment les entreprises de transport de denrées alimentaires et périssables, ou assurant la collecte du lait dans les fermes, le transport d’animaux vivants, le déménagement. Et également, dans le domaine du fret aérien. Encore faudra-t-il négocier avec les partenaires européens pour voir à nouveau un jour des camions circuler sur les routes de France le dimanche, puisque cette interdiction ne concerne pas que l’Hexagone, mais l’ensemble des pays de l’Union Européenne.

 

autoroutes 5En termes d’environnement aussi les choses devraient évoluer pour les entreprises de transport : les véhicules polluants seront de plus en plus pénalisés, tandis que les véhicules propres seront avantagés : une disposition demandée par les écologistes à l’Assemblée Nationales, et appuyée par le Sénat, permettra ainsi de réserver des voies d’autoroutes aux véhicules propres. De quoi faire réfléchir les entreprises de transport au renouvellement partiel de leur flotte, en faveur de véhicules électriques ou hybrides, ou a minima répondant aux dernières normes européennes d’émission de polluants atmosphériques. Pouvoir bénéficier des voies réservées sur autoroutes leur permettrait une économie de temps non négligeable et par la même, une meilleure rentabilité des véhicules par rapport au temps de transport.

 

canal seine-nord 2Pour finir, la loi Macron lance la concrétisation de plusieurs grands chantiers de construction d’infrastructures de transports qui seront décisives pour le secteur, dans la décennie à venir : la réalisation du Canal Seine-Nord, dans les cartons depuis une éternité, pour commencer : les travaux devraient commencer en 2017 pour un achèvement en 2020. Une nouvelle ère pour le transport fluvial et maritime… En second lieu, le Charles-de-Gaulle Express verra bien le jour : un grand projet ferroviaire pour relier plus efficacement Paris à l’aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle. Dans la même veine, le tunnel Lyon-Turin sera enfin creusé. Et enfin, le grand projet « Port de Calais » a été validé.

 

 

Marie MEHAULT