Plan d’économies : les maternités dans le collimateur de la Sécu

1 juillet 2014 Economie 1 Comment Marie MEHAULT
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bebesCe jeudi 26 juin, le Conseil d’Administration de l’Assurance Maladie doit examiner un rapport qui, pour économiser 280 millions d’euros sur les dépenses de Sécurité Sociale, propose tout simplement d’écourter d’une journée le séjour des jeunes accouchées dans les  maternités. Une idée qui fait bondir certains, et crée d’ores et déjà la polémique : « Nous jugeons que cette réflexion est un peu inquiétante », estime Thierry Vidor, directeur général de l’association Familles de France. « Car on ne peut raisonnablement pas mettre dans la balance financière la santé des nouveaux nés et de leurs mamans. Il faut plus de trois jours à une femme pour se remettre ! »

 

enceinteFaire des économies sur le budget de la Sécurité Sociale, c’est en effet l’une des mesures phares du plan de rigueur de Manuel Valls, qui vise à trouver 50 milliards d’euros d’ici 2017. Et sur cette somme, un cinquième, 10 milliards d’euros, devra provenir de l’Assurance Maladie… dont 3.5 milliards dès l’an prochain. Un retour précoce à la maison, pourquoi pas, mais pas dans les conditions actuelles, estiment plusieurs organismes de recherche, dont la DREES, la Direction de la Recherche, des Etudes, de l’Evaluation et des Statistiques : dans une étude, parue il y quelques années, cette dernière estimait déjà que « les femmes étaient nombreuses à exprimer des réticences à la sortie des maternités, et entre 15 et 35% à n’être pas du tout satisfaites des conseils qui leurs avaient été donnés à la sortie de la maternité, pour les suites de couches. Et 4 parturientes sur 10 regrettent une mauvaise préparation aux troubles post-partum (baby blues, poids, fatigue etc…). » Il faudrait donc, si la mesure était appliquée, largement améliorer la prise en charge et l’accompagnement à la maison… ce qui ferait grimper la note de l’Assurance Maladie d’un autre côté.

 

sage_femmeToutefois, d’autres enquêtes montrent que les Françaises ne seraient pas forcément opposées à un séjour raccourci à la maternité : d’après le Collectif Interassociatif autour de la Naissance (CIANE), une analyse conduite sur près de 5500 naissances il y a deux ans révèle que seulement six accouchées auraient souhaité rester plus longtemps à l’hôpital, alors qu’elles étaient presque 40% à trouver la durée de séjour trop longue. D’ailleurs, la France fait partie des pays d’Europe où les séjours post accouchement sont les plus longs : 4.2 jours en moyenne, contre 2.3 jours en Suède, et 1.7 jours au Royaume-Uni ! Seule la Hongrie nous bat, avec 5.2 jours en moyenne par parturiente.

 

domicileDans certaines villes de France où l’expérience est déjà en cours, elle se passe bien : à Lyon par exemple, où les jeunes mamans qui le souhaitent peuvent rentrer chez elles au bout de trois jours. En contrepartie, une sage-femme vient les voir à domicile : une visite le lendemain de la sortie, et une autre visite 48 heures après. « Passer de 4 jours à 3 jours, on peut franchement s’organiser sans difficulté, c’est d’ailleurs ce qu’on a fait ici », explique la chef de service. « Mais c’est possible parce qu’on travaille beaucoup en réseau, avec les sages-femmes libérales. Et c’est cette proximité avec la ville qui fait qu’on peut ainsi réduire notre temps d’hospitalisation. » « 3 jours, c’est l’idéal », reconnaît sa jeune patiente, mère d’un petit garçon. « Mais il ne faudrait pas que ce soit moins : un accouchement c’est quand même fatiguant, on se sent un peu perdue… »

 

naissancesEn revanche, s’il y a le moindre souci, si le bébé n’a pas bien grossi ou si la maman se sent dépassée, il lui est possible de rester à la maternité jusqu’à douze jours après l’accouchement ! C’est sans doute là qu’est finalement le secret d’une mesure réussie, et bien appliquée : de la souplesse, adaptée à la situation de chaque femme en fonction de ses besoins, de son état de santé et de celui du bébé. Le meilleur moyen de faire des économies là où c’est possible, et à chaque fois que c’est possible… mais sans mettre personne en danger.

 
 

Marie MEHAULT