Maltraitance des personnes âgées : un phénomène qui s’aggrave alors que les soignants manquent de formation 3 octobre 2016 Société Marie MEHAULT Temps de lecture : 4 minutesC’était, ce samedi 1er octobre 2016, la journée internationale des seniors. L’occasion, pour l’Organisation Mondiale de la Santé, de publier son dernier rapport sur la question du traitement des personnes âgées dans le monde… Et son constat est édifiant : les seniors vont mal, en particulier d’un point de vue psychologique, parce qu’ils subissent de plus en plus de brimades, de vexations, d’incivilités, de moqueries ou de maltraitances physiques directement liées à leur âge. L’enquête de l’OMS porte sur un très large échantillon, plus de 80 000 personnes âgées dans une soixantaine de pays dans le monde : et à une large majorité (plus de 60%), les témoignages vont dans le sens d’une aggravation des phénomènes de maltraitance, plus ou moins grave, à l’égard des plus âgés dans nos sociétés contemporaines. « Les personnes âgées s’estiment de moins en moins respectées », explique le Directeur du Vieillissement et Parcours de Vie à l’Organisation Mondiale de la Santé. « Or, les discriminations et les attitudes vexatoires sont négatives pour la santé. Chez les personnes les plus âgées, c’est particulièrement vrai parce qu’elles sont souvent plus dépendantes affectivement et socialement que des actifs qui travaillent, ont encore les enfants à la maison et une vie sociale développée. Aujourd’hui, les gens sont de plus en plus définis par leur âge, ce qui devient de plus en plus discriminant. Et les seniors en souffrent de plus en plus aussi. Il a été prouvé, notamment, qu’elles récupèrent moins bien après un accident ou qu’elles sont moins indépendantes lorsqu’elles ont un handicap, si elles ont le sentiment d’être méprisées et maltraitées à cause de leur âge ». Dans les maisons de retraite, les sociétés de service à domicile et les hôpitaux, les comportements ont du mal à évoluer, même si malgré tout, les responsables commencent à comprendre que la maltraitance aux personnes âgées commence dès le moment où il y a dépréciation de la personne. Y compris au niveau du simple échange verbal. « La maltraitance envers des personnes âgées ne se produit pas uniquement dans les établissements spécialisés, elle peut avoir lieu – et elle a lieu – chaque jour, dans des services hospitaliers d’urgence où des personnes âgées désorientées, de type Alzheimer, sont hospitalisées pour une pathologie de type infection urinaire ou pulmonaire, une fracture. Ce sont des blessures narcissiques, des maltraitances physiques et morales, qui surviennent même parfois sans que le personnel en ait une absolue conscience, parce qu’il n’a pas été formé ou pas suffisamment, ou parce qu’il est lui-même désorienté par le patient âgé, qui peut être particulièrement agité à cause de son angoisse de l’hospitalisation », explique Catherine Ollivet, présidente de France Alzheimer 93 et devenue experte de ces questions en France. Depuis les brimades orales, les moqueries entre soignants, jusqu’aux patients attachés à leur lit, nus, les bras en croix, par des aides-soignants qui ne savent pas comment s’y prendre, les formes de maltraitances sont multiples. Il y a aussi ceux qui sont laissés seuls sur leur lit roulant, sur le côté d’un couloir des urgences, pendant une nuit entière, au milieu des bruits, des cris, sans que l’on s’occupe de les rassurer, faute de temps et de bras disponibles. Il y a encore ceux qui sont tombés chez eux et souffrent d’une fracture du fémur, de la hanche, du bassin ou autre. Et que le radiologiste doit porter seul, sur la table de radio, au prix de hurlements de souffrance parce que la manipulation ne peut pas être aussi douce qu’à deux ou à trois. Mais il n’a pas le choix puisqu’il est seul pour effectuer les radios pendant sa permanence du soir au matin. Un problème de formation des personnels, mais aussi souvent, « de simple bon sens », selon Catherine Jollivet : « De nombreux malades d’Alzheimer des personnes très âgées qui n’ont plus toute leur tête, peuvent par exemple souffrir de déshydratation sévère à l’hôpital, tout simplement parce qu’ils disposent d’une carafe d’eau sur leur ta table de nuit mais que personne n’a pensé à leur dire ou à leur montrer et qu’ils ne la voient pas. Dans ce genre de situation, de nombreux aides-soignants débordés vont changer l’eau mécaniquement, sans même remarquer que le niveau d’eau n’a pas baissé d’un centimètre. Même chose avec les plateaux repas : les aides-soignants débordés vont venir débarrasser le plateau, intact, sans réaliser que le malade âgé n’y a pas touché parce qu’il ne savait pas ouvrir l’opercule en plastique du plat, ou parce qu’il n’a pas trouvé sa fourchette… Si ces malades n’ont pas la chance d’avoir des proches qui puissent les visiter au quotidien et s’occuper d’eux chaque jour, l’inadaptation de l’hôpital à leurs besoins pourra avoir des conséquences très lourdes, qui s’apparentent, évidemment, à de la maltraitance ». Facebook Twitter LinkedIn E-Mail Marie MEHAULT