Tiers-payant généralisé : loi retoquée !

29 janvier 2016 Economie 6 Comments Marie MEHAULT
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8La question du projet de tiers payant généralisé crispe les médecins depuis des mois, pour une raison simple : il a été imaginé pour permettre aux patients de ne plus avoir du tout à payer d’argent au praticien, lors de la consultation. Très opposés à l’idée de ne plus devoir leurs revenus mensuels qu’au bon vouloir de la sécurité sociale et des caisses de mutuelle, les médecins ont en partie été entendus par les sages du Conseil Constitutionnel, qui ont retoqué cette mesure, en tout cas sur certains points.

 

13Pour mieux comprendre ce nouveau rebondissement, prenons un exemple concret : nous nous rendons ce mercredi 27 janvier 2016 après-midi, au cabinet du docteur Pierre, pédiatre parisien.  Dans la salle d’attente, Baptiste, 10 ans, et son père. Le médecin fait entrer le jeune garçon, l’examine, pose son diagnostic et rédige son ordonnance. Puis, comme chaque fois à l’issue de la consultation, le papa sort son carnet de chèque : il avance l’argent de la visite, et sera remboursé plus tard. Pour cette consultation, payée 23 euros, il touchera 15.10 euros de l’Assurance Maladie, et 6.90 euros de sa mutuelle. Voilà pour la situation aujourd’hui.

 

14Mais à partir de la fin novembre 2017, pour tous les patients en France, cette situation aurait du changer du tout au tout : avec son projet de loi Santé, Marisol Touraine, la Ministre de la Santé, souhaitait que les patients n’aient plus un seul centime d’euro à débourser lors de la consultation. Finalement, cette mesure phare de la loi Santé votée en décembre, a été en partie censurée par le Conseil constitutionnel ce vendredi 22 janvier 2016. Résultat : nous devrons toujours régler une partie de la consultation à notre médecin, en tout cas la majorité d’entre nous : ainsi, pour reprendre le cas du père de Baptiste, il devra, lors de sa prochaine visite chez le pédiatre, lui régler les 6.90 euros pour la part mutuelle.

 

9Pour les patients, c’est plutôt une mauvaise nouvelle. Ainsi, une jeune maman venue consulter avec son bébé de deux mois, s’avoue très déçue : « j’étais franchement soulagée que le gouvernement ait décidé de ne plus rien faire payer au patient. Mais bon, ne plus payer du tout la partie de l’assurance maladie, c’est déjà une avancée, je trouve déjà cela très bien ». Pour les médecins en revanche, pas le moindre soulagement : ils espéraient que la mesure serait retoquée à 100%… Alors le fait que le Conseil Constitutionnel ait validé le tiers payant généralisé pour tous, sur l’intégralité du montant des sommes remboursées par la Sécurité Sociale, c’est une nouvelle franchement inquiétante à leurs yeux : « Nous avons tous très peur, et nous sommes en colère, parce que c’est angoissant 2de ne pas avoir de certitude sur la manière dont nous serons payés par l’Assurance Maladie. Pour les patients, avancer ces sommes, cela correspond à une petite ligne dans le budget global, ils peuvent pour la plupart attendre sans souci le remboursement, sans que cela ne les mette gravement en danger financièrement. Si on les décharge de cette avance pour la faire peser sur nos épaules, c’est très différent : c’est la quasi intégralité de nos revenus mensuels que nous allons ainsi devoir « avancer » en attendant d’être « remboursés ». Quel salarié accepterait cela ? Personne ! », confie le docteur Pierre.

 

12D’autres, dénoncent une ingérence intolérable dans leur fonctionnement : ils menacent de ne pas appliquer la loi : « Nous, nous disons que nous ne le ferons pas systématiquement et c’est pour cela que nous continuons à appeler à la désobéissance civile sur cette obligation. Nous voulons que cela reste du libre-choix du médecin, dans le cadre du dialogue singulier qu’il a avec son patient », explique le docteur  Jean-Paul Ortiz, président de la Confédération des Syndicats Médicaux Français (CSMF). Pour ceux qui sont couverts à 100% par la sécurité sociale, comme les femmes enceintes et les patients en longue maladie, il n’y aura normalement plus un seul euro à débourser dès la fin 2016, lors d’une consultation chez le médecin. Ces patients représentent tout de même 15 millions de personnes.

 

 

Marie MEHAULT