Préavis de grève illimitée pour les internes 10 avril 2017 Société Marie MEHAULT Temps de lecture : 4 minutesIls ont déposé un préavis de grève illimitée à compter du 18 avril 2017 : un mouvement à l’appel de l’intersyndicale des internes qui risque d’être très suivi, et d’handicaper longuement les établissements hospitaliers. En cause, la réforme du troisième cycle des études de médecines, qui selon eux se fait dans l’omerta et l’absence de dialogue. Dans leur viseur, la ministre de la santé Marisol Touraine, qui fait « la sourde oreille » depuis des mois. Nous vous avons déjà proposé, à Jobvitae, plusieurs articles sur le malaise de cette catégorie d’étudiants : en novembre 2014 (Grève des internes quelle réforme pour leur temps de travail ?) et en septembre de la même année (Rentrée universitaire et filières santé : le burn out des étudiants). Depuis, presque trois années se sont écoulées… où en sont-ils, ces internes qui descendent à nouveau dans la rue pour attirer les pouvoirs et l’opinion publics sur leur situation ? Selon l’ISNI (Intersyndicat National des Internes), « les internes sont dans des conditions d’études et d’exercice de moins en moins satisfaisantes : par définition, un interne est encore étudiant mais il est « interne » aux hôpitaux, il y exerce quasiment comme n’importe quel autre médecin installé, et même davantage car c’est sur lui que tout le monde se repose. Sous prétexte de nous former, la plupart des chefs de service et des médecins titulaires nous laissent exécuter la majorité des tâches qui ne les intéressent pas, et nous soignons statistiquement beaucoup plus de patients qu’eux, pour des pathologies variées et dans des situations très diverses. Cette partie de nos études, constituée essentiellement de pratique et quasiment plus de théorie, appelée phase de « consolidation » de nos acquis, est sensée nous emmener vers un travail à temps plein, des recrutements en CDI, l’installation en cabinet. C’est le dernier palier à franchir après six années de longues études, difficiles, sélectives, on n’est pas encore médecin sur le papier mais on l’est dans la vie. Or, nous sommes méprisés, maltraités, sous-payés. Et après l’internat, il n’est pas rare qu’on nous dise bye bye du jour au lendemain dans des établissements où on a exercé pendant trois, voire cinq ans ». Ce que demandent les internes, c’est donc une revalorisation salariale pendant leur internat, mais aussi une « sanctuarisation » d’un certain nombre de postes une fois qu’il est terminé, dans les établissements hospitaliers où l’on a le plus recours aux internes. « Ce qui est dommage, c’est que la réforme de ce cycle d’études apporte de bonnes choses et même des avancées majeures, notamment pour lutter contre les déserts médicaux, ou le passage de 30 à 43 diplômes qui permet à chaque spécialité de posséder son propre DES. Mais ce qu’on gagne d’un côté on le perd de l’autre », déplore l’un d’eux, sous couvert d’anonymat. Il exerce en ORL aux CHRU de Lille, aux urgences pédiatriques. « Le ministère nous pousse à bout, nous sommes épuisés par des mois de négociations stériles, on ne nous écoute pas. Notre internat est en train de se transformer en années d’assistanat obligatoire, sans autonomie, nous sommes lésés par une réforme qui au lieu d’améliorer une situation de crise sur laquelle nous alertons depuis des années, l’entérine et l’aggrave. Tant que nous ne serons pas tombés d’accord avec les réformateurs, nous serons en grève illimitée. Nous ne voulons pas de ce texte à sens unique appliqué dès la rentrée 2017, nous demandons a minima une année de réflexion et de négociations supplémentaire ». « Tout doit être prêt pour cet été, de manière à ce qu’une application en septembre 2017 se fasse sans douleur », explique l’ancien doyen de Paris VII, le professeur Benoît Schlemmer, chargé de cette réforme du troisième cycle des études médicales. « Un certain nombre de décrets doivent passer devant le Conseil d’Etat et les Agences Régionales de Santé doivent aussi avoir le temps de prendre certaines dispositions pour l’accueil des internes. « Mais la philosophie de la réforme rejoint celle des étudiants : préparer avant tout à des métiers et des spécialités, dont nous étudions les compétences en détail pour chacune. Nous discutons bien avec les représentants des étudiants, il est faux de dire qu’il n’y a pas de dialogue. L’Association Nationale des Etudiants en Médecine de France ou l’ISNAR-IMG, l’Intersyndicale Nationale Autonome Représentative des Internes de Médecine Générale, nous reconnaissent une vraie concertation sur le fond et sur les procédures d’harmonisation des enseignements, et réagissent très positivement. Sur la plupart des dossiers, ça avance, et les pierres d’achoppement sont en réalité peu nombreuses. Mais en ce qui concerne la toute dernière phase d’études, il semble logique qu’elle n’ait pas la même durée pour mes chirurgiens, d’autres spécialistes et les généralistes, ni le même niveau de rémunération ». La politique de l’autruche pour ceux qui ont voté la grève illimitée : « on est tous en surmenage. Limiter le temps de travail à 48 heures par semaine pour les médecins internes, c’était la promesse d’un décret entré en vigueur il y a un an, et aujourd’hui il n’est pas suivi par la majorité des services hospitaliers, et la réalité est même bien pire : « on arrive tous à 60, 65 heures par semaine, avec en général une garde de 12 heures supplémentaires, il n’est pas rare qu’on monte à 70 heures. Parfois j’ai peur de faire des erreurs à toujours enchaîner et trop travailler, avec un vrai risque pour le patient », reprend notre interne de Lille. « Il m’est arrivé d’avoir des pensées suicidaires, de traverser la route sans regarder en me disant qu’au moins, s’il y avait une voiture ce serait fini. Et je ne suis pas le seul dans ce cas ». 34% d’internes en médecine générale auraient été victimes de burn out, selon les dernières études. Facebook Twitter LinkedIn E-Mail Marie MEHAULT