Insécurité dans les transports publics : les chauffeurs n’en peuvent plus !

3 juin 2013 Transport 2 Comments Marie MEHAULT
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arret_traficUn de leurs camarades vient encore de se faire agresser, jeudi 30 mai, à Niort. Un autre, victime de violences l’année dernière, n’a jamais pu reprendre son travail. Les chauffeurs des transports publics sont excédés, dans les Deux-Sèvres bien sûr, où l’émotion est encore palpable, mais partout en France. Bus, métros, tramways, aucun secteur n’est épargné par les incivilités, en augmentation constante. Et parfois, le terme d’incivilité lui-même ne suffit plus, beaucoup trop faible pour décrire le niveau de violence de certaines agressions.

« Les collègues vivent la peur au ventre, ils craignent les agressions, autant physiques que verbales », explique Jean-Michel Charron, délégué SNTU à Niort. « On a des problèmes d’insécurité sur toutes les lignes, y compris les transports scolaires, vous vous rendez-compte ??? Ils s’y mettent de plus en plus jeunes ! ».

chauffeur« Il y a ceux qui nous menacent, ceux qui nous insultent, ceux qui sortent une arme ou une bombe lacrymo, ceux qui nous frappent, ceux qui boivent ou qui fument de la drogue au fond des bus, et j’en passe », décrit Daniel Giraudet, délégué CFTC, à Niort également. « Nous réclamons plus de moyens de surveillance vidéo, des portiques anti-agressions dans les véhicules, une présence renforcée des contrôleurs, et des boutons d’alerte et des radios dans chaque cabine. »

transportDe Dunkerque à Marseille, et de Rennes à Strasbourg, la violence envers les chauffeurs de transports publics urbains et interurbains semble se démultiplier avec la crise. Les clivages économiques et sociaux se creusent, et le mal être de certaines catégories de population aussi, à cause du chômage, des difficultés à boucler les fins de mois, du sentiment de ségrégation. « Certains actes de violences sont franchement gratuits », s’emporte Hervé, chauffeur de bus à Nice. « Je ne leur trouve aucune excuse. Pour moi, c’est inadmissible. S’en prendre aux braves gens qui bossent, et qui rendent service en plus, car c’est bien ça la vocation des services publics, non ? C’est intolérable. »

Même sentiment à Paris, dans le métro et sur les lignes de bus ou de tramway. « Paris est en train d’acquérir une réputation d’insécurité absolue », s’indigne Jean, chauffeur de tramway sur la ligne 2. « Il faut vraiment une prise de conscience, nous avons des remontées sur l’ensemble des réseaux. » De son côté, la préfecture de police de la capitale a indiqué que plus de 200 policiers étaient déployés chaque jour dans les lieux touristiques et les transports de Paris pour lutter contre la délinquance. « Ce n’est pas suffisant », estime Philippe, conducteur de métro sur la ligne 5. « Il faut une politique zéro tolérance, comme à New York. »

droit_retraitConséquence de ce sentiment d’insécurité, partagé par tous les chauffeurs de transports publics en France : des mouvements de colère, et des grèves, après chaque fait divers de ce genre. Comme en avril dernier, quand les conducteurs de la SNCF ont exercé leur droit de retrait après l’agression d’un de leurs collègues à Saint-Nom-la-Bretèche, dans les Yvelines.  Ou encore à Rennes, où les conducteurs du réseau de transports Keolis n’en peuvent plus des fins de soirées alcoolisées le week-end : « Si on devait appliquer le règlement sur le transport des personnes en état d’ivresse, on ne prendrait personne ! », s’exclame Gérald Foreau, conducteur de bus à Rennes et représentant CGT. « L’alcoolisation peut générer des comportements très agressifs. L’année dernière on avait déjà fait une grève spontanée après une série d’altercations entre des jeunes et des chauffeurs. »

controleurEt les anecdotes sont légion, de collègues agressés, de sales souvenirs. « Il y a trois semaines, je me suis fait frapper », raconte Richard, chauffeur en congé maladie. « Ils voulaient prendre la caisse, j’ai résisté ». « Un collègue s’est fait taper dessus et voler son portable », se rappelle Paolo, contrôleur sur une ligne de RER. « Moi, on m’a déjà craché dessus, à plusieurs reprises ». Un autre se souvient avoir été blessé au visage et à l’œil par une pierre, balancée contre le bus et qui avait cassé la vitre de sa fenêtre. Un quatrième a déjà vu un collégien de 14 ans lui brandir un couteau sous le nez…

Parfois même, les passagers s’y mettent à plusieurs, comme ce jour d’octobre, à Dunkerque, où ils étaient 3 à s’en prendre au chauffeur, l’insultant, puis l’arrachant de son poste de conduite, le frappant jusqu’à ce qu’il tombe à terre et s’acharnant encore sur lui, ensuite. Résultat : la compagnie a carrément suspendu le trafic sur toute la ligne concernée, pour une période indéterminée. « Et au final, c’est toujours sur les usagers corrects et polis que ça retombe »,  soupire Nadia, une habituée de la ligne en question. « Pour un chauffeur agressé et trois petits délinquants, c’est tout un quartier qui est pénalisé. Les grèves ne règlent rien, mais elles nous font souffrir, nous usagers, de manière injuste et parfois pendant longtemps, au point que certains ont perdu leur travail, parce qu’ils ne pouvaient plus se rendre au boulot. »

 

Marie MEHAULT