4/11/14 : Grève générale dans les transports… la faillite d’un système ? 29 octobre 2014 Transport Marie MEHAULT Temps de lecture : 4 minutesLe 4 novembre 2014, dans une semaine exactement, il faut s’attendre à une véritable paralysie des transports sur l’ensemble du territoire français : car la CGT a lancé un mot d’ordre de grève dans tous les transports collectifs, et en particulier dans les trains. Motif : la défense du service public, et la lutte contre le dumping social. « Des rassemblements seront organisés dans plusieurs villes », explique le syndicat, via l’Union Interfédérale des Transports, qui regroupe les sections CGT du secteur. « Nous visons l’immobilisation des transports urbains comme le tramway, le métro et le RER, mais aussi l’ensemble du réseau SNCF, le maritime, l’aérien, l’aéroportuaire, le fluvial et les routes ! » Indispensable journée de mobilisation, à en croire les salariés du transport public, en particulier parmi les cheminots. Dans un communiqué, ils dénoncent « la politique de privatisation et de mise en concession menée dans le secteur des transports ». Ainsi, l’un des motifs de la grève du 4 novembre prochain, c’est la mise en place programmée du transport par autocar dans les grandes villes (voir notre précédent article). Le bus étant un concurrent potentiel direct du train sur de nombreuses lignes, les cheminots craignent pour leurs avantages sociaux, puisque ce projet vise à rendre le transport plus accessible à tous, avec un mode de fonctionnement moins coûteux que le train. Le hic, c’est que les conducteurs de bus, employés par des sociétés privées, n’ont pas du tout les mêmes avantages que les cheminots. Par exemple, ils partent à la retraite au même âge que les salariés français sans statut protégé. Pour les syndicats, c’est donc une menace dangereuse. « C’est l’usager qui en est le perdant, car cette logique du bas coût assure un service dégradé. (…) Pire, ces orientations remettent bien souvent en cause la sécurité dans les transports », écrivent-ils encore, exigeant « l’arrêt de ces politiques qui cassent les emplois, les conditions sociales des salariés et menacent l’avenir du service public ». Mais au-delà de ce mouvement de colère, certains spécialistes voient dans la prochaine grande grève générale du 4 novembre le symbole profond d’une crise structurelle des transports français. Car cette nouvelle mobilisation n’est pas isolée. Il y a aussi l’épuisement du modèle TGV (et ses coûts croissants soulignés par la Cour des Comptes il y a quelques jours), la quasi faillite de la SNCM (la compagnie maritime qui dessert la Corse à partir du continent), l’affaiblissement sensible d’Air France après une grève qui aura couté 500 millions d’euros et alors que sa concurrence monte en puissance… autant de signaux qui pourraient laisser à penser que le modèle hexagonal est en faillite, et que le réseau de transports collectifs dans son ensemble croule sous les difficultés. Car si, par le passé, nos infrastructures et nos technologies de transports ont été une véritable force pour la France, ces dernières années le secteur est plutôt devenu un poids. D’abord, les investissements publics ont faibli avec la paupérisation de l’Etat, à la suite directe de la crise économique qui sévit depuis 2008… et là où la CGT fait mouche, c’est lorsqu’elle souligne que l’abandon de l’écotaxe ne va rien arranger, puisque c’est l’impôt qui devait contribuer à financer les infrastructures de transport dans les prochaines années. Ensuite, les principales entreprises du transport en France se sont montrées beaucoup trop lentes à s’adapter, alors qu’en face, la concurrence européenne accentuait la pression à très grande vitesse. Pour reprendre les exemples évoqués plus haut, la SNCM, qui s’est fait doubler par Corsica Ferries. Ou encore, Air France, distancée par le low cost. Troisième explication : « un personnel très protégé, disposant de la grève comme d’une arme pour paralyser le pays et faire généralement rapidement céder les gouvernements, qu’ils soient de gauche comme de droite d’ailleurs. Cela rend les adaptations très difficiles… et ça, c’est une vraie particularité française », nous explique-t-on ainsi à l’Institut d’Aménagement et d’Urbanisme. Une particularité qui a, ces dernières années, largement aggravé le « déficit d’amour » des Français envers leur système de transports publics. Derniers faits d’armes très peu appréciés de la population ces derniers mois : le mouvement de protestation des pilotes d’Air France pour défendre des conditions de travail et des salaires largement plus confortables que ceux de la moyenne des Français, par exemple. Ou encore, la dernière grève à la SNCF, « qui avait duré des semaines pour des motifs assez nébuleux, sans que les syndicats obtiennent réellement quelque chose », rappelle Mickaël Bazoge, journaliste économique. « Le lien avec les voyageurs a été brisé, personne n’ayant compris les ressorts du mouvement, organisé de plus en pleine période du Baccalauréat ». Le mouvement de la semaine prochaine, certes initié par un seul syndicat, mais qui touchera les usagers de tous les moyens de transport partout en France, ne contribuera certainement pas à améliorer leur opinion. Facebook Twitter LinkedIn E-Mail Marie MEHAULT