Conforama : pourquoi il ne faut pas tomber dans la sinistrose 9 juillet 2019 Distribution Marie MEHAULT Temps de lecture : 6 minutesPersonne ne retire aux personnels de Conforama leur droit à la stupeur et à l’inquiétude : c’est un coup de massue que les effectifs français de l’enseigne de meubles et de bricolage ont pris sur la tête ce début juillet, avec l’annonce de la suppression de 1900 postes en France et la fermeture de 32 magasins d’ici 2020. Le titre de cet article, qui peut sembler provocateur, vise en fait seulement à rassurer les employés de la grande distribution : certes, la conjoncture n’est pas simple en ce moment ; certes, ce type de plan social est particulièrement angoissant. Et oui, il y a matière à voir les choses en noir. MAIS, avec cet article, nous voulons vous expliquer deux choses pour vous sortir de la sinistrose : Conforama reste un cas très particulier et ne peut en aucun cas valoir de cas d’école pour analyser l’avenir de la grande distribution en France ; et surtout, cette dernière s’organise pour résister, et si certains ont un peu de mal, d’autres s’en sortent et même, se développent et recrutent. Simplement, les médias ont tendance à parler davantage des acteurs du secteur qui vont mal (mais se soignent) que de ceux qui vont bien. Bref, il y a du travail, il y a des postes à pourvoir, notre site a valeur de preuve, il y a des portes auxquelles frapper pour retrouver vite, dans toutes les régions de France, et nous vous expliquons lesquelles. Pourquoi Conforama reste un cas à part La direction de l’enseigne, pourtant la 3e pour le meuble et le bricolage en France, annonce 1900 postes en moins et 32 fermetures de magasins d’ici 2020. Étonnant, quand on sait qu’en avril 2019 elle faisait part d’un plan de sauvetage de plus de 300 millions d’euros. Comment comprendre que moins d’une saison plus tard, la déroute ait pris une telle ampleur ? « Conforama n’est pas un symptôme de la crise de la grande distribution », explique la Fédération du Commerce et de la Distribution. « La preuve, But et Ikea résistent bien, pourtant la conjoncture est la même pour tous avec une baisse des ventes d’un peu plus de 2% pour le meuble ces deux dernières années, par rapport aux précédentes. Vous avez même des enseignes comme la Camif, la Redoute, AMPM, qu’on a cru mourantes et qui se portent très bien, avec une nouvelle jeunesse et des stratégies de conquête du marché très offensives, chacune dans son domaine et avec sa clientèle. Même chose pour le marché du matelas : Conforama explique avoir perdu beaucoup d’argent sur ce segment, pourtant des start ups comme Eve, Tediber, et bien d’autres fleurissent et se développent ». « Le problème de Conforama n’est pas un problème partagé par la grande distribution en général, c’est un problème propre à la marque elle même depuis qu’elle appartient au sud africain Steinhoff », explique un économiste spécialiste du remembrement commercial à l’Université Panthéon-Sorbonne à Paris. « Une communication qui manque de modernité, un défaut d’entretien des magasins, pas ou peu rénovés, et un manque d’adaptation aux évolutions de la demande, notamment sur internet : pendant que des petits nouveaux comme made ou westwing, ou encore des géants installés de la vente de meubles en ligne comme AMPM, Maisons du Monde ou MadeInDesign cartonnent sur le web, Conforama peine à acquérir une légitimité numérique et réalise à peine 8% de ses ventes en ligne, alors que le e-commerce c’est désormais en France près de 20% des ventes de meubles et de matériel de bricolage… un chiffre qui devrait même atteindre près de 30% d’ici 2025. Non, le vrai problème de Conforama est un propre : celui des scandales financiers qui s’accumulent depuis deux ans avec un trou dans la caisse de 6 milliards d’euros ». Pourquoi il ne faut pas tomber dans la sinistrose « D’abord, parce que si l’on parle beaucoup des enseignes à la peine dans la grande distribution, c’est parce qu’elles prennent le taureau par les cornes et agissent, tant qu’il est encore temps, pour reprendre du poil de la bête face aux géants du web comme Amazon, qui grignotent les parts de marché à vitesse grand V », explique l’Institut d’Etude des Industries de Consommation. « Carrefour, Auchan, Casino annoncent des plans de sauvegarde qui impliquent des fermetures de magasins déficitaires et parfois des suppressions de postes, mais c’est pour mieux investir et se diversifier dans les secteurs qui marchent et où la demande explose du côté des consommateurs : internet, la logistique, les livraisons du dernier kilomètre partout et à toute heure, pour tous types de produits, le bio, les services comme la vente d’électricité ou la location de produits… ce qui signifie des embauches ou des reconversions dans ces secteurs en pleine croissance, et la création de nouveaux métiers, donc de nouveaux postes ». Pour l’Observatoire de la Franchise, certaines enseignes de la distribution vont bien, et même très bien. D’ailleurs elles recrutent, comme Amazon le géant américain, qui annonce encore près de 2000 recrutements en France. Mais il n’y a pas que les monstres dû numériques, les Gafa, bêtes noires des enseignes traditionnelles, qui s’en sortent : « Les enseignes qui s’en sortiront sont clairement celles qui investiront massivement dans le développement d’Internet ces prochaines années, c’est finalement le seul secret… et la plupart l’ont compris. Mais en attendant, les Français consacrent encore 90% de leur budget courses aux magasins physiques, et certaines marques historiques sont très bien gérées et tournent bien. On parlait de But et Ikea tout à l’heure, on peut aussi citer d’autres enseignes qui sont en train de réussir leur mue et de revenir dans la course aussi bien en matière de points de vente que de site internet, comme Monoprix, Franprix ou CDiscount, Décathlon, Boulanger, mais aussi Fnac-Darty ou encore Intermarché, Leclerc ou Système U. Souvent, ce qui fait ses preuves c’est la décentralisation du pouvoir décisionnel : les enseignes qui s’en sortent ont souvent en commun le fait d’avoir délégué à leurs directeurs de points de vente tout ce qui concerne la stratégie locale, ce qui fait que chacun prend à son échelle les décisions les plus appropriées en fonction de ses particularités, de sa région et de sa clientèle. Car le défaut majeure de la grande distribution ces dernières années, c’est la tentation de l’omnipotence au sommet. Or, on voit bien que les consommateurs veulent de plus en plus du sur mesure, pour un acte d’achat hyper personnalisé. La stratégie payante c’est donc celle qui pense à la fois global, pour internet, pour la recherche et développement, pour la communication médias, et local pour la stratégie de conquête de nouveaux clients. Les marques qui ont aussi compris qu’aujourd’hui le client veut davantage de la qualité que des prix bas, qualité associée à la personnalisation d’ailleurs, ont aussi le vent en poupe. L’exemple parfait, c’est Monoprix qui propose de plus en plus de bio, mais aussi du vrac et des livraisons dans l’heure en partenariat avec Amazon ! Autre clé du succès : le retour en centre ville et l’accès des points de vente à pied ou en transports en commun. Ainsi, Ikea a tout compris en s’installant place de la Madeleine, au cœur de Paris. Tout ça pour dire que les enseignes qui font preuve d’imagination, de flexibilité, d’adaptabilité, s’en sortent mieux que les autres et ont de l’avenir, tout comme leurs salariés ! » Facebook Twitter LinkedIn E-Mail Marie MEHAULT