1200 postes supprimés chez Carrefour : l’enseigne souffle le chaud et le froid sur l’emploi 28 mars 2019 Emploi Marie MEHAULT Temps de lecture : 5 minutesIl y a quelques semaines à peine, Alexandre Bompard faisait part de sa satisfaction quant à son grand plan de restructuration, entamé il y a deux ans et qui commence à porter ses fruits. L’enseigne Carrefour annonçait aussi des embauches à venir dans les secteurs porteurs de ce plan de développement (voir notre article). Pourtant, ce 28 mars 2019, nouvelle annonce du groupe néfaste pour l’emploi : Carrefour veut encore supprimer au moins 1200 postes dans ses hypermarchés, en s’appuyant sur la récente réforme du code du travail qui facilite les procédures de rupture conventionnelle dans les entreprises. « Il n’y aura aucun départ contraint », tempère ce matin la marque de grande distribution, selon la teneur des propos tenus au dernier CCE du groupe (Comité central d’entreprise). La direction souligne qu’il n’y a pas d’incohérences dans ces suppressions de postes, dans la mesure où elles concerneront essentiellement les secteurs dont Alexandre Bompard avait annoncé qu’il souhaitait se défaire : « Les rayons bijoux, multimédia, électroménager, photo, hifi, textile, ou encore les caisses des stations service qui deviendront toutes automatisées. Mais aussi les fonctions support pour lesquelles il y a désormais trop de doublons après la restructuration de ces deux dernières années : les services RH, paye, administratif et management sont concernés : avec notamment la fermeture ou la cession des anciens magasins Dia, il y a beaucoup moins de besoin sur ces secteurs », explique en « off » un cadre des Ressources Humaines. La DRH, qui confirme officiellement à la presse aujourd’hui que selon les engagements d’Alexandre Bompard, « aucun hypermarché ne sera fermé ni cédé en 2019 », et que « ces projets avaient déjà été proposés et confirmés y compris dans leur dimension sociale en octobre 2018, et à nouveau en janvier 2019, et que tous les salariés concernés seront accompagnés. La mobilité interne sera prioritaire, selon l’accord de gestion prévisionnelle signé pour les emplois et les compétences. De telle manière que les collaborateurs pourront se former aux évolutions de leur métier. Ceux qui souhaiteront évoluer à l’intérieur du groupe pourront le faire, ceux qui voudront le quitter pourront aussi le faire, il n’y aura pas de départs contraints, c’est pour cela que nous avons fait le choix du dialogue social via la rupture conventionnelle. Nous montrons ainsi que nous privilégions le dialogue social, et surtout, que Carrefour est dans une nouvelle phase qui n’a rien à voir avec la situation qui était celle du groupe l’an dernier, où les choses étaient plus compliquées et la situation économique de l’enseigne plus fragile. Cependant, un certains nombre d’activités en magasin ne sont plus rentables et doivent être arrêtées. Soit on ne fait rien et on laisse les salariés livrés à eux-mêmes, soit on leur propose un dispositif de qualité pour les accompagner quel que soit leur choix, et c’est ce que nous faisons aujourd’hui. Notre modèle d’hypermarchés aujourd’hui n’a pas d’autre choix que de se confronter à l’évolution des modèles de consommation des clients et à la concurrence. Nous avons promis de ne pas fermer de magasins mais en contrepartie, nous devons nous transformer pour sauver l’ensemble des emplois chez Carrefour aujourd’hui ». L’enjeu, selon l’enseigne, doit se faire « magasin par magasin pour faire en sorte que ceux d’entre eux qui rencontrent des difficultés reviennent à une rentabilité qui garantisse l’avenir de leurs salariés. Les discussions doivent donc permettre, dans ces magasins, et notamment pour les salariés qui souhaitent partir, de définir les meilleures conditions de départ possible : des congés avant la retraite, des mesures d’aide à ceux qui souhaitent se lancer dans un nouveau projet… ». Ces nouvelles suppressions de postes représenteraient un peu plus d’1% de la masse salariale totale du groupe en France, après un « dégraissage » de 10% des effectifs en janvier 2018, qui a fait passer le nombre de salariés dans l’hexagone en dessous de la barre des 105 000 personnes. Aujourd’hui, ce nouveau volet de la restructuration concerne uniquement la branche hypermarchés de Carrefour, soit 2% des 60 000 emplois qui y sont dédiés. Mais la forme de ces suppressions de postes annoncées d’ici fin 2019 est nouvelle, une première au sein de l’enseigne, avec des négociations qui doivent s’achever cet été entre la direction et les représentants du personnel. La moitié du personnel, via les syndicats, doit accepter de signer le texte qui permet des départs sur la base du volontariat, sans que des motifs économiques soient nécessairement avancés pour justifier la décision. Selon la CFDT Carrefour, plus de 50% des postes concernés par cette nouvelle vague de suppressions de postes sont des cadres. Plusieurs sources confirment aujourd’hui que la CFDT et FO négocieront, mais pas la CGT qui refuse de s’asseoir à la table des discussions. « L’inquiétude, nous la ressentons depuis que la restructuration a commencé au siège, dans les points de vente de proximité et maintenant dans les hypermarchés. Pour accorder notre signature à la direction, nous voulons évidemment que la base du volontariat soit absolument respectée, et que l’entreprise mette le paquet sur les passerelles de mobilité interne, et pour les départs, sur les congés de mobilités : ils doivent être importants, bien rémunérés, et les mesures de formation devront être à la hauteur », explique FO. « Si l’entreprise joue le jeu dans tous les domaines, on est prêts à discuter. Nous sommes conscients que le format est en difficulté, pas que chez Carrefour mais dans toutes les enseignes du retail, et qu’il faut un nouveau projet commercial. Ce que nous demandons, c’est la priorité aux reclassements dans les secteurs alimentaires de l’enseigne. Nous ce qui nous intéresse, c’est le maintient de l’emploi ». Car si Carrefour veut se dégager du non alimentaire, la direction compte au contraire investir massivement à moyen terme dans le local et le bio notamment, et également repenser son concept d’hypermarché avec une offre globale, pour proposer des points de vente plus petits et davantage spécialisés dans certaines catégories de produits, notamment dans les centres-villes. Pour le « non alimentaire », dans les grandes surfaces Carrefour, des « corners » dédiés à des marques partenaires seront mis en place, par exemple la Fnac, Darty, ou Décathlon. Avec, sans doute, un effet positif sur l’emploi du côté de ces enseignes spécialisées, où des reconversions seront peut-être possibles pour certains salariés de Carrefour…. C’est en tout cas l’un des arguments de l’enseigne française pour justifier sa décision. Facebook Twitter LinkedIn E-Mail Marie MEHAULT