Chercheur et technicien de laboratoire : l’exception française

5 février 2013 Métiers Marie MEHAULT
Temps de lecture : 3 minutes

Souvent très confidentiel, le travail des chercheurs et des techniciens de laboratoire est plutôt méconnu du grand public. Pourtant, bien des vocations naîtraient sans doute si cet univers mystérieux se laissait approcher un peu plus. Qu’est-ce qu’un laboratoire de recherche médicale, comment y travaille-t-on, pourquoi les personnels de recherche français bénéficient-ils d’un statut particulier ? Eléments de réponse.

Derrière les vitres d’une énorme porte bleue coulissante, des machines étonnantes font défiler à toute allure plusieurs millions de doses de vaccin anti-grippe. Des bacs blancs rectangulaires, remplis de fioles minuscules, se succèdent sous les drôles de « pis » mécaniques d’une machine à injection. Des tapis, des toboggans à inclinaisons diverses, sur lesquels ces mêmes petites fioles suivent leur bonhomme de chemin, d’une étape à l’autre. Les principes actifs et les autres composants y sont successivement ajoutés, au compte goutte. Tout est d’une précision impressionnante, millimétrée. Derrière leurs écrans de contrôle, les techniciens de laboratoire, blouse blanche et charlotte sur les cheveux, vérifient sans ciller que tout se déroule comme prévu.

Centrifugeuse laboratoireNous sommes dans un centre de recherche médicale, quelque part en France. D’une salle à l’autre, la même lumière blanche, la même atmosphère aseptisée. Ici, des turbines, des microscopes. Là, sur une étagère, une multitude de bouteilles d’apothicaire à l’ancienne, en verre coloré, et sur chacune une étiquette où s’inscrivent des mots, des lettres, des chiffres comme autant de codes impénétrables. Ailleurs encore, on peut découvrir une pièce entièrement dédiée à l’imagerie médicale par spectrométrie de masse, des appareils qui permettent par exemple de suivre le parcours d’un médicament dans le corps. Ou bien, une batterie de machines électroniques d’où jaillissent des paquets de fils électriques multicolores, comme les tentacules d’une pieuvre d’un nouveau genre. On se croirait dans un inédit de Jules Verne !

« Travailler en labo n’est jamais blasant », raconte un technicien derrière son masque. « C’est un univers qui évolue sans cesse, avec la société, avec les maladies, avec les inventions technologiques. Et puis il y a les enjeux : trouver des remèdes, améliorer les diagnostics, découvrir les vaccins pour prévenir les maladies. C’est énorme. On se sent une responsabilité, une utilité réelle. Chaque tâche a un sens, une finalité humaine. » 

Lui, travaille dans l’unité de recherche sur la maladie d’Alzheimer. Dans une chambre froide, des cerveaux humains, légués à la science par leurs propriétaires défunts. Dans une autre, des milliers de minuscules tubes colorés. « Chaque tube correspond à une personne. Nous en avons des dizaines de milliers en stock. Le génome de chaque individu est analysé, afin de caractériser ses déterminants génétiques », explique le directeur de recherches. « On compare le génome des patients qui souffrent d’Alzheimer, avec le génome de personnes saines. »

Techniciens de laboratoireEn tout, dans cet Institut, 50 personnes travaillent à temps plein. Etudier les maladies infectieuses, différencier les types de cancers, comprendre le fonctionnement des cellules, en organiser les cultures, pratiquer dessus des expériences de génétique ou de chimiothérapie… Chacun a sa tâche. Chaque maillon de la chaîne est d’une importance capitale, il n’y a pas de poste ingrat. « Il est important de faire comprendre au public comment se développe la recherche, comment on utilise les finances de l’Etat ou les dons privés », explique le directeur du Centre. « C’est indispensable, car nous avons besoin de toutes les sources de financement possibles, et nous avons surtout besoin que les jeunes générations aient envie de s’impliquer, de travailler dans la recherche médicale. Nous devons expliquer, et convaincre.»

Car si le personnel travaillant dans la recherche médicale est en moyenne rémunéré 30% de moins en France qu’aux Etats-Unis ou en Suisse, c’est en revanche l’un des rares pays où les budgets de fonctionnement restent élevés, même si ça n’est jamais assez, et surtout, où les chercheurs ont en majorité un statut stable avec un salaire garanti et une sécurité de l’emploi. Aux Etats-Unis par exemple, un chercheur est recruté en CDD pour une mission et une durée particulières, puis il devra retrouver un nouveau poste. En France, cela existe aussi. Mais une fois embauché en CDI, le jeune chercheur aura la chance, tout au long de sa carrière, de pouvoir participer à des études variées et très différentes, tout en gardant le même poste et le même employeur.

Marie MEHAULT