Pharmacien : un métier qui ne connaît (presque pas) la crise 5 mai 2014 Métiers Marie MEHAULT Temps de lecture : 6 minutesLes économies budgétaires réclamées à la Sécurité Sociale, mais aussi les campagnes d’information sur le bon et le mauvais usage des médicaments (antibiotiques etc…), et puis encore, les scandales sanitaires liés aux effets secondaires de certains vaccins ou traitements, mais également la prime aux médecins qui prescrivent au plus juste… : tout cela fait que, bon an mal an, les Français consomment de moins en moins de médicaments. Selon une enquête de l’Institut CSA auprès de 500 familles, nous achetons aujourd’hui 20% de médicaments de moins qu’il y a deux ans ! Parallèlement, pour réaliser de substantielles économies sur des dépenses de santé, l’Etat français a progressivement « déremboursé » un certain nombre de médicaments, ce qui a mécaniquement fait chuter les ventes. Enfin, le matraquage médiatiques pour inciter patients et médecins à se tourner prioritairement vers les génériques plutôt que vers les médicaments de marque, et le durcissement de la réglementation pour les officines qui ne délivrent pas automatiquement le maximum de génériques… cela aussi a fait chuter le chiffre d’affaires des pharmaciens. D’abord, parce que les génériques sont moins chers. Ensuite, parce qu’ils suscitent davantage de méfiance chez les Français, en particulier chez les plus âgés qui sont aussi… les plus gros consommateurs de médicaments ! Bref. On pourrait se dire qu’avec tout ça, le métier de pharmacien est en perte de vitesse. En réalité, pas du tout : c’est l’une des rares professions en France qui, malgré quelques difficultés passagères, ne connaît pas la crise. D’abord, parce que même si nous réduisons progressivement l’écart avec nos voisins européens, nous restons les champions toutes catégories de la consommation de médicaments en Europe. Ensuite, parce qu’avec l’urbanisation galopante autour de toutes les grandes villes de France, le besoin en pharmaciens est en augmentation constante… Alors que dans le même temps, on observe une baisse importante des effectifs, de très nombreux pharmaciens partant à la retraite avec le “papy boom”. Enfin, il y a des places à prendre dans une grande variété de domaines pharmaceutiques. À commencer par la pharmacie hospitalière : le pharmacien hospitalier sera d’autant plus courtisé qu’il sera polyvalent, les CHR et les cliniques pâtissant d’une pénurie constante de personnels dans ce domaine. Le rôle du pharmacien hospitalier, cela va être de fournir son établissement en médicaments, dispositifs médicaux et fabrication de produits (chimiothérapies, nutrition, préparations médicamenteuses…) en tenant compte, d’une part des indications thérapeutiques du personnel soignant, d’autre part des contraintes budgétaires qui lui seront imposées par la direction administrative de l’hôpital. Politique d’achats, pharmaco-économie, gestion des stocks, connaissance de l’arsenal thérapeutique existant… : « à l’hôpital, j’ai le sentiment d’être un maillon important dans la chaîne de soins et la prise en charge de la douleur », explique Amaury, 37 ans, pharmacien pour un très grand centre hospitalier régional. « C’est toujours un challenge que de gérer les stocks avec vigilance pour pouvoir répondre à la demande au plus vite, en urgence. Ou de pouvoir prodiguer aux patients les antidouleurs qui vont leur correspondre au mieux. Parce qu’à l’Hôpital, tout le monde souffre, mais personne ne souffre de la même manière ni avec la même intensité ». Pour cela, le pharmacien hospitalier va travailler en étroite collaboration avec les équipes de soin, pour déterminer avec les médecins la solution la plus adaptée au patient. « Nous sommes de plus en plus amenés à travailler sur tous les sujets qui nécessitent une compétence pharmaceutique ! Il s’agit d’un véritable travail d’équipe, très enrichissant, d’autant plus que la pharmacie clinique est en plein essor ! », s’exclame Anabelle qui, elle, travaille dans un tout petit établissement hospitalier dans le centre de la France. “Je ne m’épanouis jamais autant que lorsque je concocte mes spécialités pharmaceutiques, mes préparations magistrales, les implants et les prothèses dont je sais qu’ils vont révolutionner la vie d’un patient… J’aime m’appliquer pour préparer les poches de chimio ou de nutrition, ou encore discuter des posologies avec les soignants, des adaptations éventuelles à imaginer en cas d’insuffisance rénale ou hépatique, adapter les doses à la pédiatrie, et essayer de limiter au maximum les effets secondaires de mes préparations… C’est aussi une vraie logistique ! Il faut savoir gérer les achats de la pharmacie, valider les ordonnances informatisées, superviser la stérilisation des dispositifs médicaux (instruments de chirurgie et textiles réutilisables), manager une équipe, assurer la qualité de la formation avec les fournisseurs…” En dehors des hôpitaux, la grande majorité (75%) des pharmaciens en France travaillent en magasin. À la fois professionnel de santé et commerçant, le pharmacien est alors à la charnière entre le monde de l’industrie et le serment d’Hippocrate. Dans son officine, il va délivrer les médicaments prescrits par le médecin, mais aussi expliquer le traitement : sa responsabilité est engagée en cas d’erreur… D’où l’importance de parfaitement maîtriser la composition des médicaments, vérifier la traçabilité et la cohérence des prescriptions (posologie, interactions médicamenteuses etc…) mais aussi d’écouter et d’orienter les clients au mieux vers les médicaments délivrés sans ordonnance (parapharmacie, appareillage, etc.) Dans ce cas de figure, le pharmacien devra être capable d’orienter la personne qui lui demande conseil vers un médecin adéquat si nécessaire. « Dans ce métier, il faut vraiment aimer les gens« , explique Francois, pharmacien en officine à Paris. « Chaque client est un cas particulier. Parfois, faire comprendre une ordonnance et un traitement demande un vrai traitement de pédagogie, et beaucoup de patience… La délivrance des prescriptions et le conseil représentent chacun 50% de mon travail. Les clients les plus bavards exigent des qualités d’écoute et de psychologie. Mais on a de bons contacts, certains clients peuvent devenir des amis… Le pharmacien est aussi un lien social« . Et puis, moins connus, il y a les pharmaciens de laboratoires. Ils travaillent soit dans des laboratoires d’analyse médicale, en ville, soit pour l’industrie pharmaceutique. Ce pharmacien là sera impliqué dans tous les domaines de la production de médicaments, les processus qualité, marketing, développement etc… Toutes les étapes de la vie du médicament, de sa conception à sa fabrication en passant par sa distribution et enfin, sa dispense au patient, sont sous la responsabilité du pharmacien de laboratoire. Il exerce ses compétences dans tous les domaines de l’industrie pharmaceutique, mais peut aussi travailler pour l’industrie cosmétique, l’agroalimentaire, l’environnement… En dernier lieu, il existe aussi en France le métier de « pharmacien conseil » : c’est celui qui sera enseignant chercheur en université ou en fac de médecine. Il pourra aussi être conseiller auprès des assurés et des personnels de santé, notamment sur la réglementation médico sociale. Sur concours, il peut aussi devenir Inspecteur de Santé Publique auprès du Ministère, des agences sanitaires et sociales, etc… En France, plus de 70 000 pharmaciens sont en exercice, et les deux tiers sont des femmes. Pour s’orienter vers une carrière de pharmacien, un bac scientifique s’impose avant la première année commune aux études de santé, puis un cursus de pharmacie qui durera six ans pour ceux qui s’orientent vers l’officine et l’industrie, et jusqu’à douze ans pour ceux qui souhaitent se spécialiser. Une fois sa thèse soutenue, le Docteur en Pharmacie est inscrit à l’Ordre National des Pharmaciens, qui surveille sa déontologie et contrôle chaque année l’actualisation de ses connaissances dans le cadre du développement professionnel continu. En début de carrière, un pharmacien assistant gagnera 2540€ bruts par mois environ, mais ensuite le salaire évolue très vite, surtout à partir du moment où le pharmacien devient propriétaire de son officine. Pour les années à venir, les pharmaciens devraient être de plus en plus sollicités en France : « la feuille de route du gouvernement pour la stratégie nationale de santé indique la priorité à la prévention« , indique ainsi le Professeur Claude Dreux, membre des Académies de Médecine et de Pharmacie et président du CESPHARM (Comité d’Education Sanitaire et Sociale de la Pharmacie). « Or, dans le domaine de la prévention, les pharmaciens sont en première ligne auprès du public. C’est une chance à saisir ». Facebook Twitter LinkedIn E-Mail Marie MEHAULT